mardi 28 août 2012


 Petit album de photos pour illustrer ces premiers mois de travail... Mais quelles photos choisir? non pas que je sois une assidue de la caméra, mais j'essaie tout de même de penser à l'emporter parfois, histoire de croquer ici et là des images qui me touchent. Bien entendu, lorsque Mourjou est sous la neige... je ne résiste pas: nous avons eu un joli manteau blanc, une quinzaine de jours cet hiver, avec des cochons tout étonnés en sortant de leur cabane! Puis, comme des enfants, ils se sont mis à courir et jouer. Normal quoi...



A noter, le beau modèle de cabane, en bois local, tôle récupérée. Nous travaillons donc bien nos compétences en menuiserie, afin de limiter les coûts au maximum. Et bien, laissez-moi vous dire que pour le coup, je ne pense pas trouver mieux au brico-marché...!
 

Et puis le printemps est arrivé, avec les oiseaux migrateurs pour le plus grand plaisir de Nicolas.(non, à gauche ce n'est pas Nicolas).
C'est tellement surprenant de voir des cochons couchés dans l'herbe et brouter. Ma foi oui, le cochon apprécie tout particulièrement les herbes fraîches du printemps, et vendrait son âme pour des pissenlits! Donc il s'agissait pour nous de trouver une formule afin de préserver notre terrain, sans que le troupeau ne le détériore en le retournant (cochon=charrue 5 socs...) et qu'ils ne le piétinent pas lorsque le terrain est humide. Comment faire? Et bien nous avons trouvé la réponse chez nos voisins éleveurs de bovins: le pâturage tournant. 
 
Avec le printemps, la pousse de l'herbe, et quatre hectares semés, nous avons vu les céréales prendre leur envolée vers le ciel, un méteil blé-tritical-pois ma-gni-fi-que, dont nous sommes très fier.

  

Aaaah! voici encore une source de grande fierté: nos premières portées, dont certains d'entre vous en ont entendu parler: deux fois 10 cochonnous, tout roses (un père génétiquement dominant semble-t-il... dommage!) en pleine forme et tout plein de vigueur. C'était en mai. Les agriculteurs voisins nous disaient que les truies, en première mise-bas, sont peu prolifiques... et bien, deux mois plus tard, deux autres truies nous donnaient respectivement treize et quatorze petits!!!!! L'invasion...


 












Bon... qui dit printemps, dit foins... pour l'hiver prochain, nous assurons un apport en verdure à nos cochons... Mais nous n'avons pas pu les stocker de suite chez nous, pas eu le temps de finir notre plancher de grange. L'entre-aide reste un merveilleux atout: notre voisin est là pour nous soutenir et vient chercher nos bottes: il les stockera jusqu'à l'automne dans ses bâtiments à vaches (qui broutent dans les prés...) Un grand merci à toi Benoît. ça soulage...


Mettre en place un système, c'est aussi penser infrastructure. Comment pratiquer le pâturage tournant et assurer au troupeau de l'eau en permanence? Et bien, après de loooongues séances de direction entre Nicolas et moi, nous avons fini pour opter d'enterrer un tuyau, avec réducteur de pression (le terrain penche...) et de l'enterrer profond: avec la période d'hiver durant laquelle il faisait -15° C... et que nous avons dû faire boire nos cochons à coup d'arrosoirs... Nous étions motivés pour faire tout notre possible pour que l'eau ne gèle pas. Donc: pèle mécanique, Véro aux commandes...



...et on ne mollit pas. J'ai nommé cette photo: Moment de solitude. 

Et Nicolas en position de taï chi... C'est une forme nouvelle de méditation le béton, nous devrions développer des ateliers de pratique!

On dit que l'agriculture c'est stressant. Je dirais que le temps des moissons l'est, oh oui sans hésiter. Tout notre blé dehors, et un orage peut saccager cela. L'entrepreneur sera-t-il libre lorsque la météo permettra la moisson? Et puis, pour nous, c'était une première. Je n'avais pas imaginé que les moissonneuses peuvent tenir droit sur des terrains à 30°... On aperçoit deux cochons qui vérifient l'avancée des travaux!! (cliquez sur la photo, ça l'agrandit!)
 
Nicolas version Ben Hur ou l'Empereur sur ses terres...

 Petite remarque au passage: en bio, on ne désherbe pas! et bien je suis fière (encore) de vous montrer sur ce cliché qu'après le passage de la moissonneuse, il y a la prairie! ainsi, le terrain n'est jamais à nu et ne souffre pas d'érosion. C'est tellement important. Par contre, des agriculteurs conventionnels trouvaient notre paille "sale"... il y avait de l'herbe dedans. Mais pour nous qu'importe. C'est du tout bonus pour le bétail concerné. Seule contrainte: attendre que le foin soit complètement sec avant de botteler...



 Bella vita. Copains comme cochons

Voilà, je vais m'arrêter là pour la série photo. Je vous propose une dernière petite vue sur un Nicolas au petit matin, avant son déjeuné (faut pas trop l'embêter!) en train de nourrir les reproducteurs. Des cages? ciel des cages. Ne vous inquiétez pas, ils n'y restent que le temps du repas, histoire pour nous de mieux gérer ce que chacun mange. Nous avons quelques gloutons, Joséphine par exemple, qui mangerait deux fois plus vite que ses voisins, et puis souffrirait de sur-poids!

Une petite pensée pour les truies de bâtiment... elles passent dans ces cages enfermées pendant des mois entier... toute la gestation, une honte.

 
 
Et ça c'est pour illustrer le texte que j'ai écrit précédemment intitulé "création d'un système". Bonne lecture!

 

Affectueusement 

Véronique

samedi 25 août 2012

Création d'un système

L'autre jour, je me suis rendue au petit magasin bio qui se trouve à Calvinet, village voisin de Mourjou. Béatrice, joyeuse tenancière du lieu, me récupère du petit lait d'une productrice de fromage de chèvre bio de la région. Ainsi, le petit-lait se voit " recyclé" par mes cochons charcutiers. (nota bene: le petit lait c'est donc la partie non utilisée du lait pour produire le fromage.) Quatre avantages dans cette démarche: 1) j'en ai profité pour acheter des aubergines bio chez Béa, 2) le couple de producteurs de fromage de chèvre ne polluent pas les eaux en jetant le petit lait, et 3) moi, je nourris (un tout petit bout) mes cochons... et 4) ça crée des interactions entre acteurs ruraux et paysans. Saviez-vous que l'agriculteur souffre d'isolement, de manque de reconnaissance, de perte de sens de son travail, de stress et de pression. Les chiffres sont effectivement peu encourageants: plusieurs centaines de suicides d'agriculteurs en France chaque année - rien de précis bien sûr, ça reste tabou. Bon, mais pour que ça cause, encore faudrait-il savoir ce qu'il en est pour les non-agriculteurs... Je m'égare, ce n'est pas de cela dont je voulais parler mais il semble que j'avais besoin de le dire! Donc, revenons au magasin bio de Calvinet: Béa me raconte: tu sais, tes saucissons sont bien partis! les clients le humaient en disant... mmmh ça me rappelle mon enfance! Et en fait, cette remarque m'a ravie car c'était dit avec un air angélique et heureux. Alors ça, ami lecteur, c'est une boucle bouclée! Voilà le sens que je peux donner à mon travail. C'est grâce à ce genre de petite phrase lancée par ceux qui goûtent nos produits, et il y en a eu beaucoup, que je pourrai donner une raison d'être à notre travail et y trouverai la reconnaissance nécessaire pour ne pas être candidate au suicide...

Il y a trois ans exactement, alors que notre projet de reconversion professionnelle n'était qu'un projet, et que certainement, malgré notre détermination profonde, nous n'étions pas forcément crédibles lorsque nous disions à nos interlocuteurs " je veux devenir paysan et élever des cochons!", une amie a émis des doutes et se demandait quel en serait le sens, à quoi nous servirions, au fond. A l'époque, je préférais les gens qui abondaient dans mon sens! et puis je n'avais pas forcément un argumentaire bien plombé... En tout cas, elle ne pouvait pas savoir que nous ferions un parcours "sans faute" pour arriver là où nous sommes aujourd'hui.  Sans-faute=bosse dur et bosse dur encore. Donc, je souhaite me retourner pour prendre le temps, je répète lentement: "prendre le temps" pour contempler ce qui a été construit, et ce qui jour après jour continue de se construire. Bon, je passe le commentaire de mon neveu, qui pour charrier sa tantine lance à la volée d'un air coquin: ooaaah, quand je pense tout ce qu'il vous reste à faire!!!

Et bien une boucle bouclée, c'est une source de bonheur immense. Et oui, c'est très bon aussi de regarder la moitié du verre plein!  A savoir: nous étions fraîchement sortis du lycée agricole d'Aurillac, diplôme en poche. Une formation qui nous a appris beaucoup sur la vache, et rien sur le cochon - à l'exception d'un stage pratique de six semaines dans une ferme en Ardèche. Il a fallu tout apprendre par l'observation de nos propres cochons, sept d'abord, puis douze, puis vingt-quatre. Aujourd'hui? soixante-six!!! Après l'observation, tirer des conclusions, émettre des hypothèses, confronter nos idées auprès de personnes compétentes - autres agriculteurs sélectionnés sur la base de leur aptitude à se mettre en question, vétérinaires homéopathes, membres d'associations actifs dans le renforcement de réseaux paysans, etc... Puis, pour arriver au saucisson, nous avons appris à découper, et transformer la charcuterie. Nous ne serons bien sûr jamais charcutier. Nous n'entrerons jamais, oh jamais en compétition avec les "tâcherons". C'est quoi? j'ouvre le dico: Personne qui travaille à la tâche, qui est payée selon l'ouvrage accompli.Oups. La personne, qui est personne, sera payée en fonction du nombre. Alors qu'est-ce qu'on en déduit? Elle doit, et doit absolument travailler vite. TRES vite. Et tout le temps. Et je puis affirmer que si on n'a pas vu un tâcheron DE SES YEUX VU, on ne sait pas ce que c'est "travailler vite". Ce n'est pas racontable. Moi j'appelle ça du stakhanovisme. C'est inhumain, c'est inacceptable, c'est une honte. Mais ça se fait, partout, tous les jours, pour que nous puissions avoir nos steaks hachés pas chers. Et surtout, personne ne sait. Et puis, ces hommes sont là par choix non? S'ils ne sont pas contents, ils peuvent démissionner, ce n'est pas interdit!! Fin du cynisme. De nouveau je m'égare!

Donc, nous avons appris à découper et transformer (lentement) le cochon pour en faire un bon produit que nous comptons améliorer toujours. Soit. Mais en amont? C'est tout un système que nous mettons en place. Le système de production du cochon vif. Du cochon plein air. Et c'est précisément là que nous avons mis toute notre énergie, celle qui nous reste ces derniers mois. L'énergie qui nous reste, car nous nous essoufflons, faut quand même l'avouer, avec tout ce que nous avons mené de front, et chaque jour qui nous apporte du nouveau. Alors là moi je dis que l'éternelle nouveauté, c'est fa-ti-guant! J'en viens presque à souhaiter de la routine... Mais non, ce ne sera pas pour moi. Pour cela il fallait prendre un autre virage. Nicolas assure bien plus à ce sujet. Il prend les tâches les unes après les autres, construit, pense (ou plutôt l'inverse) et encore et encore. Moi par contre, j'ai besoin de me rassurer constamment, que ça marchera. J'ai besoin de construire les garde-fous avant de lancer la machine. J'ai besoin d'évoluer dans un cadre "déjà testé pour vous". Mais non, ça ne marche pas comme ça. Dans une ferme, on ne maîtrise pas. On agit et on voit après, puis on ajuste, et on voit après, et on ajuste et on voit après. Je suis du signe du taureau. Et bien je vous assure que le taureau n'a pas de place à la ferme! Le bélier oui. Mais pas le taureau. Il serait temps de donner des exemples peut-être...Alors ami lecteur, je m'en vais publier cette bafouille de suite, et cogiter pour raconter un brin de factuel sur notre "système". Car nous comptons bien devenir les incontournables du porc plein air. Nous affirmons qu'un jour, nous parlerons de porc plein air et illico, nous penserons sans hésiter: La Ferme du Loriot, bien entendu!
Et puis suivrons aussi quelques photos, hein? ça c'est toujours un plaisir...

Joyeuse fin d'été à tous.